Voici un court extrait de ce qui sera je l'espère bientôt mon second petit ouvrage....
Automne 1958, au commencement…
A Pampouillotte, bourgade lot-et-garonnaise insoupçonnée (au nom improbable), résident, depuis quelques temps déjà, les Lampion. La famille vit, à peu près tranquille et à peu près heureuse, dans une fort vieille demeure, rustique mais spacieuse, qui les abrite fort bien.
Une demeure qui s'éveille chaque jour au rythme de la vie de la matrone, Paulette, de son bonhomme, Roger, et de leurs neuf enfants, âgés de 10 à 18 ans. Rectification : des huit enfants naturels de Monsieur, du petit bâtard qu'il a reconnu et élevé avec toute son âme, et de la sacrée bonne femme qui accompagne ses jours, depuis que sa chère et tendre épouse, feue Louisette l'a quitté. Depuis 9 ans, son chagrin s'est peu à peu estompé. Et celle qu'on lui a choisie s'occupe du brave homme et de sa ribambelle de rejetons. Elle est un peu revêche, la Paulette, mais il ne s'en aperçoit pas vraiment, Roger. Ou alors il la laisse dresser ses bambins. C'est pour leur bien.
D'aucun n'aurait sans doute imaginé que cette image de quasi-béatitude allait plus tard se troubler…
Mais en attendant, la Dame, d'un âge déjà mûr, ou avancé, diront les moins courtois, mène la besogneuse maisonnée d'une main de fer dans un gant… de crin. Elle a malgré tout, un peu à contrecœur, envoyé quelques-uns des bambins de son bonhomme à la grande école. « Eh bé oui, ils veulent suivre des études, qu'ils ont dit ! Pff…Quelle drôle d'idée ! » La plupart du temps, elle préférerait qu'ils aident aux productions de la ferme familiale. Qu'ils suivent le large chemin ouvert par leur père. « C'est qu'il y en a du travail », rouspète-t-elle quand elle mascagne. « Avec leur père, ils auraient travaillé dur de leurs dix doigts. Ils auraient appris la vie. Mais là, à l'école… Ça va les mener où, ça ? On a bien besoin de quelques érudits dans les villages. Mais pas que ça. Ça nourrit pas les siens… » peste Paulette de temps à autres. « Je te leur en ficherais, moi des coups de pompes au derrière, à cette flopée de drolles… Je suis sûre que ce sont eux qui m’ont foutu le feu au moine, l’autre soir ! Ils sont tellement cucus, tellement bébêtes, parfois, cette bande de couillons ! Et ils sont canés au moindre effort. Si peut qu’il fasse un cagnard d’enfer… ». Paulette, elle est comme ça. Quand elle est irritée, elle n’en finit plus de rouméguer, de rogner, de dire des grossièretés. Et de menacer quiconque passe à sa portée.
Bon, heureusement, pour rester à la ferme, il y a le jeune Hector. Tout-petit déjà, il avait l'air perdu, au milieu de la foule de frères et de sœurs qu'on lui collait. Alors, pour éviter les bagarres générales, les réprimandes collectives, Hector a pris l'habitude de faire ce qu'on lui dit. Tout ce qu'on lui dit. Même si, à certaines occasions, il ferait bien d'y réfléchir à deux fois. Monsieur et Madame ont quantité de choses à lui faire faire à la maison. Comme la participation systématique à toute activité liée aux productions locales. Alors « il n'a pas besoin d'aller les faire, lui, ses études », pense la matrone. Ils sont déjà bien assez nombreux à quitter régulièrement le nid familial, pas si douillet que cela, d'ailleurs.
Hector est volontaire. Mais la grande Paulette doit souvent le reprendre. A ses heures, elle le houspille singulièrement. Elle le trouve tête en l'air, dissipé. En fait, elle l'aurait bien «encadré » davantage, si elle avait pu, pour lui montrer la rudesse de la vie. Elle le loupe pas, à Hector. Les autres non plus, en fait.
« A cet âge-là, il faut pas les rater, sinon ils feront jamais rien de leur vie, ces bougres-là… »
extrait de "La forteresse convoitée de Pampouillotte"